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La Tresse

"Je fais ce que je veux avec mes cheveux"

Slogan publicitaire Garnier datant des années 80

 

La tresse de Laetitia Colombani
Genre : Fiction contemporaine un peu chiante

Je le sentais pas ce bouquin déjà le pitch à la con : "Trois femmes, trois vies, trois continents. Une même soif de liberté." Et au lieu d’écouter que mon professionnalisme et mon sens de l’abnégation, j'aurais du me fier à mon instinct... D'un autre coté, vous auriez pas eu de fiche, et il parait qu'elles sont plus drôles quand c'est un livre qui ne m'a pas plu... Adepte du Yin et du Yang, curieux de savoir à quoi j'aurais pu échapper, mais surtout coincé par le fait que ce cadeau bien que ne m’étant pas exactement offert, m'avait été d'une certaine façon (pré)destiné par le "père noël en mode libraire" qui a déclaré  à notre assemblée de païens fêtant donc très très vaguement la nativité : "mais vous pouvez vous échanger ou vous prêter ces livres". Je revois le sourire de ma sœur une des petites et ma copine égale à elle même déposant leur bouquin sur ma pile : "tu feras les fiches Chouki, comme ça on verra lesquels on lira..."

Plus fort que Dash 2 en 1 puisqu'on a 3 histoires en 1! Par contre pour masquer leur platitude ainsi que leur malheureusement triste banalité, l'auteur alterne les personnages et essaie de nous faire croire qu'il s'agit d'une tresse alors que pas du tout : dans une tresse les 3 brins s'entrecroisent sans cesse alors que là, il ne s'agit que d'un vague lien aussi attendu que prévisible qui n'arrive que dans les dernières pages. Je ne rien contre les femmes à la Cookie Dingler, au contraire, mais là on est tellement dans la caricature que ça en devient risible : la working girl, la famille catholique traditionaliste, la pauvre intouchable etc. Des stéréotypes vus et revus dans les films, séries, documentaires et même pour certains dans n'importe quelle brochure d'ONG luttant contre la faim/l’illettrisme/les violences faites aux femmes dans le monde... Et ce n'est pas tout, il y a quelques autres points qui m'ont particulièrement agacés.

D'abord le fait qu'économiquement l'histoire de Giulia est une blague...
Pas une blagounette un peu mignonne et drôle non non juste une escroquerie intellectuelle! La faillite surprise de l’entreprise familiale (et donc sa résurrection), au vu de la situation décrite, est juste complétement abracadabrantesque et ne sert qu'à très artificiellement renforcer la composante dramatique de l'intrigue :

  - La raison avancée du déclin de cet atelier est qu'il n'a plus de cheveux pour faire les perruques, alors bien sur ça lui fait moins de perruques à vendre mais aussi moins de matières premières à acheter (les quantités des autres produits étant normalement commandées en adéquation avec la masse de chevelure à traiter) c'est financièrement assez neutre.

  - L'entreprise a acheté ses locaux il y a vingt ans, donc elle a fini de payer et n'a plus de loyer etc dont elle devrait s'acquitter.

  - Il reste les employées qui, quoiqu'il arrive, doivent être payées, sauf qu'il n'est dit nul part que l'activité est au plus bas... Et même si c’était le cas, le problème ne peut être une surprise : quand votre patron vous paie à "rien faire" depuis des mois, vous prenez l'argent bien sur, mais quand même vous vous interrogez sur ce qui se passe...

Je suis trop terre à terre, ces histoires ne sont pas la réalité, elles s'en inspirent juste pour sublimer le parcours de ces dames... Très bien, alors parlons un peu de spiritualité et de foi...

Déjà quand on voit la place réservée aux femmes dans la plupart des religions, votre humble, efficient et dévoué serviteur s’étonne que ces héroïnes éprises de liberté se laissent berner par ce mirage mystique... Certes, le cas de Sarah est un peu différent puisque c'est une juive non pratiquante (apparement) qui a décidé de tout sacrifier sur un autel qui n'a rien de spirituel, bien au contraire, puisqu'il s'agit de celui de la réussite au travail.

En tout cas, attendre de soit-disant signes de(s) dieu(x) voir un miracle, comme le fait Giulia, pour s'émanciper c'est pas la meilleure des attitudes pour que cela s'arrive réellement... D'ailleurs ne dit on pas : "aide toi et le ciel t'aidera"?

Et comme tout le monde a le droit à sa part de paradoxalité,  votre humble, efficient et et dévoué serviteur s’élève contre l'avilissement de la spiritualité

Ces indiens sans le sous qui se rasent la tête en guise d'offrande à leur divinité "c'est beau". Mais que les autorités religieuses leur fassent payer l’opération, puis revendent les cheveux ça devient moche! Les pauvres bougres devraient vendre directement leur chevelure sans "intermédiaire divin" quitte à faire un don au temple ensuite... Oui je vois ça avec ma rationalité économique occidentale et comme elle est en plus "gauchisante" j'ajoute aussi : encore une fois le système baise les plus démunis. Alors certes spirituellement, moralement ils vont mieux une fois leurs "libations capillaires" accomplies et l'argent ne fait pas le bonheur... Il n’empêche que par exemple pour Smita et sa fille, cet argent permettrait d'acheter un peu de miam du réfrigérateur parce que le miam de l'esprit ça ne remplit pas le ventre...

Mais de la façon, dont l'auteur rapporte ou analyse ces histoires (souvent du point de vue de ses personnages) cela n'a pas l'air d’être des problèmes, au contraire, tout ne va pas encore pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais, grâce a(ux) dieu(x), c'est en bonne voie! Je crois que c'est ça qui m’énerve le plus l'attitude des héroïnes : elles ne remettent pas en cause le système, elles se contentent juste de biaiser légèrement pour leur "convenance" personnelle.

Sarah revoit ses choix de vie et attaquera son ancien cabinet pour discrimination : tant mieux, mais le problème c'est le système capitaliste ultra-concurrentielle qui a perverti "son monde" du travail (en fait la société en général).

Smita est partie, mais ce n'est pas le système de castes qu'elle critique : seulement la manière injuste dont le brahmane du village a traité sa fille. Et bien sur, elle continue les prières et les offrandes aux divinités etc.

Avec l'aide de dieu, Giulia a sauvé l'atelier familiale grâce à une innovation, mais elle reste une traditionaliste qu'un mariage arrangé n'aurait, par exemple, pas dérangé tant que ça...

Je n'ai probablement pas le bon axe de lecture : ce ne sont peut être que tranches de vie perçues au travers des héroïnes, mais alors comme déjà dit : ces situations aussi graves que désolantes sont connues depuis belle lurette (et personne ne fait rien!). Ce livre n'apporte donc pas grand chose, à part peut être le sentiment trompeur qu'à l’échelle individuelle et probablement avec l'aide de la providence ou assimilée, certaines peuvent s'en sortir et que donc tout va pas si mal...

les CERTIF

Personnages : caricaturaux
Univers : réel ou pas
Ambiance : feel good pathétique
Intrigues : prévisible
Action : très peu
Humour : pas beaucoup
Style & Écriture : rien à redire

Sévère mais juste, ce bouquin si on cherche pas la petite bête ni un message militant, peut être divertissant.

La tresse de Laetitia Colombani aux éditions Grasset
ISBN : 978-2-2468-1388-0

Édith: article terminé le 14/01/18